Les Ogres-Dieux, éditions Soleil

Les Ogres-Dieux est une série en deux tomes des éditions Soleil, publiée dans la fameuse collection Métamorphose. Ces albums ont été scénarisés par Hubert et l’illustration a été réalisée par Bertrand Gatignol.

La série a commencé avec le tome 1, Petit, paru en décembre 2014 et s’est conclue avec le tome 2, Demi-Sang, paru en juin 2016. Les deux albums sont en soi, deux très beaux objets d’édition avec de superbes finitions.

Les Ogres-Dieux  sont des géants hissés au rang de rois. Ce sont des êtres pour la plupart despotiques, aussi démesurés dans leur attitude que dans leur taille et pour finir, amateurs de la chair de leurs serviteurs, les humains.

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Dans le tome 1, une reine géante donne naissance à un enfant anormalement minuscule étant donné sa généalogie : Petit. Elle le cache aux yeux affamés des autres géants et le fera élever en secret par des proches et des serviteurs dans la confidence.

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Dans le tome 2, nous suivons l’évolution et l’ascension d’un humain, Yori, un enfant illégitime, dans sa course de vengeance et de pouvoir au milieu du règne des géants.

Chaque tome déroule l’histoire de son héros (Petit ou Yori). A chaque fois, le fil du récit est entrecoupé  de points historiques comme des minies biographies sur d’anciens rois géants. On a ainsi une histoire dans l’Histoire. Pour cette raison, je vous conseille de lire les tomes dans l’ordre même si chaque histoire est indépendante, l’intrigue principale des deux tomes n’ayant aucun liens entre elles directement.

La découverte du royaume et des coutumes des géants rapproche les Ogres-Dieux d’un récit historique avec tous les complots et les tragédies qu’impliquent une dynastie royale. Un récit historique donc, mais fantastique : une alliance captivante ! J’ai l’impression qu’il est assez rare d’utiliser la figure du géant de manière centrale et non en tant que personnage secondaire ou annexe dans une histoire et cela participe à l’originalité des Ogres-Dieux.

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Illustration du Petit Poucet par Gustave Doré

Néanmoins, la figure de l’ogre fait appel à une conscience collective liées à des peurs instinctives comme celle d’être mangé. Peurs, explorées dans les contes classiques de notre enfance, et ce, notamment chez Charles Perrault avec l’ogre du Petit Poucet , l’ogresse de la Belle au bois dormant qui rêve de dévorer sa belle-fille et ses petits enfants (et oui la version originelle de Perrault pique un peu plus)  ou encore chez les frères Grimm avec la sorcière de Hänsel et Gretel qu’on peut considérer comme une ogresse vu son appétence pour la chaire des petits enfants.

 

 

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Saturne dévorant son enfant, Fransisco de Goya

 

On trouve même un ogre parmi les mythes antiques. Le dieu des Titans, Cronos, craignant de perdre son trône, dévorait chacun de ses enfants dans le but d’annuler la prédiction de sa chute. Ce sera uniquement à la naissance de Zeus que la machine infernale s’arrêtera, moyennant l’intervention de la mère, Rhéa, qui remplacera le nouveau né par une pierre. Cet épisode est la preuve de l’importance historique de la figure de l’ogre et de sa folie anthropophage et dans le cas de Cronos, cannibale.

Ci-contre le tableau de Goya, Saturne dévorant son enfant. Saturne étant le nom latin de Cronos

Ainsi depuis l’aube des temps, les ogres sont présents et font régner la terreur avec leur appétit que ce soit par pulsion bestiale ou par quête du pouvoir, ou les deux.

Vous trouverez un article intéressant sur la figure de l’ogre dans la littérature jeunesse

→ http://educalire.fr/fiches_pedagogiques/l-ogresse-en-pleurs/Lire_en_reseau_les_ogres.pdf

ou encore cet article très intéressant :

→ http://expositions.bnf.fr/contes/arret/ingre/indogr.htm

Nous sommes ici en présence d’un univers foisonnant servi par une illustration bien particulière. Dans mon tout premier article, je disais que le noir et blanc n’était pas ma tasse de thé en matière d’illustration, mais que, de temps à autres, je tombais sur des pépites justement en noir et blanc.Ce fut le cas avec les Ogres-Dieux !

Le trait est précis et le contraste, très appuyé, donne à l’image une lisibilité très franche et agréable. Un délice pour les yeux. L’absence de couleurs renforce l’aspect menaçant du règne et du pouvoir des géants. Néanmoins, les détails dans le dessin sont nombreux et parviennent à retranscrire l’opulence dans laquelle se vautre les géants : opulence de nourriture, de richesses et de serviteurs qui s’agitent en bonne fourmilière disciplinée autour de ces souverains terrifiants. La violence est omniprésente dans ces deux albums car les géants sont loin d’êtres délicats : leurs serviteurs quand ils ne sont pas dévorés, pâtissent physiquement des humeurs royales. Le trait de Bertrand Gatignol réussi à nous faire trembler devant les figures de ces tyrans. J’adore !

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cette planche illustre l’aspect carnassier des géants tout autant que la beauté du dessin de Bertrand Gatignol

 

Conclusion

Coup de cœur complet ! Une série à dévorer ! Avec un appétit d’ogre bien sûr …

 

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