American Gothic c’est le titre d’un des plus célèbres tableaux du monde ainsi ce que celui du premier titre de la série Dark Museum des éditions Delcourt, paru récemment, le 15 février 2017. Pour cette oeuvre, deux scénaristes : Gihef et Alcante et un illustrateur, Stéphane Perger. Le principe de Dark Museum est de proposer en BD une histoire imaginaire et horrifique qui illustrerait les dessous de célèbres tableaux.
Voilà ce que dit Delcourt à propos de cette nouvelle série :
» Pour entrer au Dark Museum, une toile doit provoquer chez son observateur une impression morbide que seule une origine mystérieuse semble pouvoir expliquer. L’austère American Gothic de Wood y tient une place de choix… »

Le contexte du tableau
Il est à mon sens important de faire un point sur l’oeuvre d’origine pour mieux appréhender l’histoire de cette bande-dessinée. Le tableau American Gothic a été réalisé par l’artiste Grant Wood.

A première vue, me diriez vous, il n’y a rien de gothique dans ce tableau alors pourquoi ce titre ? Eh bien c’est à cause du bâtiment en arrière plan. En effet ce dernier, dans son architecture, est issu du genre « gothique américain ». C’est en voyant une maison de ce type à Eldon dans l’Iowa que Wood a eu l’idée du tableau et de ses protagonistes : il a peint le genre de personnes qu’il s’attendait à voir vivre dans cette demeure. En outre, la volonté de Grant Wood était aussi de peindre un tableau réaliste sur la condition des ruraux du Middle West, l’artiste étant lui-même né dans l’Iowa, un des nombreux états de cette région. Pour peindre les personnages, Grant Wood a fait appel à sa sœur pour la femme et à son dentiste pour l’homme.Les personnages du tableau, un père et sa fille, ne sont pas très affables et sont censés représenter une certaine austérité dans laquelle

vivait cette population rurale de l’époque (rappelons que le tableau a été peint en 1930). La date de création du tableau n’est d’ailleurs pas anodine si on veut bien le cerner. En 1930, cela faisait plus d’un an que les Etats-Unis subissaient une grave crise : La Grande Dépression, qui durera jusqu’à la seconde guerre mondiale. Cette crise était principalement bancaire (cf le Krach de 1929) mais aussi agricole avec le malheur et le désarroi que provoqua une immense sécheresse durant cette décennie dans les Grandes plaines et le middle west. Le grenier de l’Amérique s’est alors retrouvé ruiné et les fermiers en bien mauvaise posture. Cette catastrophe provoqua aussi des tempêtes de sable et de poussière appelées « Dust Bowl » dans le sud des grandes plaines (Arkansas, Oklahoma, Texas…) aggravant encore plus le problème.
De quoi ça parle ?
La bande dessinée part de ce postulat de crise : la famine et la ruine peuvent conduire à bien des comportements et c’est là toute l’interrogation de Dark Museum – American Gothic : que ferait-on pour protéger sa famille et son affaire ?
L’histoire est la suivante : une petite ville de l’Iowa est en pleine crise comme beaucoup aux alentours. L’argent manque, les cultures ne produisent plus et l’eau devient rare. Dans ce contexte chaotique, la population est tendue et à bout de nerfs, comme ce paysan et sa fille qui désespèrent de pouvoir nourrir leur famille. La ville manquant déjà cruellement de ressources, l’arrivée de forains à proximité de leur commune va mettre le feu aux poudres et faire voler en éclats de nombreux principes moraux. C’est la course au chacun pour soi.
Cet ouvrage n’est pas fait pour les âmes sensibles. Dans un contexte aussi rude, la vérité des comportements humains est ici mise à nu dans toute sa cruauté et ne fait pas la part belle aux bons sentiments. J’ai, pour ma part, adoré ma lecture car j’aime bien les ambiances creepy et horrifique mais ce n’est pas la seule raison de mon enthousiasme . Cette bande dessinée est bourrée de qualité : du suspense, un contexte social intéressant et une mise en image réussie. Cette dernière rend très bien compte de l’atmosphère aride de la région mais elle sait aussi illustrer les passages beaucoup plus sombres avec brio et angoisse. On observe une évolution du code couleur lors du déroulement de l’histoire : au début les couleurs sont assez solaires et ocres pour rappeler l’environnement fermier, le soleil et la sécheresse puis au fur et à mesure que la situation s’obscurcit les couleurs tirent beaucoup plus vers le noir et le rouge. Enfin, imaginer une histoire angoissante lié à un tableau célèbre est un concept original et pour le coup maîtrisé.
J’ai hâte de voir les prochaines publications de cette série et je vous invite à découvrir cette pépite !
Pour aller plus loin :
- http://www.telerama.fr/sortir/american-gothic-l-histoire-meconnue-du-tableau-le-plus-detourne-au-monde,149473.php
- https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/quand-les-oceans-expliquent-la-grande-secheresse-des-annees-30_20756
- http://usa.hypotheses.org/1170
- http://www.editions-delcourt.fr/serie/dark-museum-01-american-gothic.html
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Grant_Wood
- https://fr.wikipedia.org/wiki/American_Gothic_(Wood)
C’est très très bien !!!! Quelle facilité d’écriture ! Continue !!!!!!!!!!!!!
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