Aujourd’hui je vais vous parler de deux de mes films préférés : Kaboom et White Bird. Tous deux réalisés par le génial Gregg Araki, ces films sont de véritables bijoux du cinéma indépendant. Toutefois, avant d’aborder ces deux œuvres cinématographiques, il est important de mieux connaître l’homme derrière la caméra.
Qui es-tu Gregg Araki ?
Gregg Araki est un réalisateur indépendant américain. Sous le soleil de Californie où il a grandit, il prendra des cours de cinéma à l’Université de Santa Barbara, sa ville depuis toujours. Sûr de son choix, il viendra grossir les rangs de l’USC (University of Southern California) pour approfondir ses connaissances pratiques de futur cinéaste.
Gregg Araki c’est une patte visuelle et des thématiques fortes. Figure gay incontournable du cinéma, il aborde ce thème dans la plupart de ses œuvres. Il est aussi passionné par l’adolescence. Il aime filmer ses bouleversements, ce temps où l’être humain est en transition, tiraillé entre des forces contradictoires et intenses, le temps des expériences. De là est née sa « Teen Apocalypse Trilogy » composée de trois films : Totally Fucked Up (1993), The Doom Generation (1995) et Nowhere (1997). L’adolescence est quasiment toujours abordée dans le reste de sa filmographie même si ce n’est pas toujours le propos principal.

La patte de Gregg Araki tient en un mot : déjanté. Ces films sont souvent colorés avec une atmosphère des plus uniques. Entre absolutisme, désillusion et émotions fortes, les films de Gregg Araki vous emportent dans leur univers et vous mettent une gentille claque. Mysterious Skin (2004), quant à lui, tranche dans sa folle filmographie pour son thème grave (la pédophilie). Ce film est adapté du roman éponyme écrit par Scott Heim en 1995.
Ce réalisateur est un personnage passionnant. Indépendant dans sa démarche cinématographique, il ne dénigre pas l’Hollywood traditionnel et les productions à plus gros budgets. Pour preuve, il a réalisé deux épisodes (le 7 et le 8) de la fameuse série 13 Reasons Why qui parle d’une adolescente (vous le sentez là le fil rouge de sa filmographie ?) qui après son suicide, laisse 13 cassettes expliquant les différentes raisons qui ont motivé son acte (très bonne série au passage). L’important pour Gregg Araki, et ce qui le caractérise sûrement comme réalisateur indépendant, c’est sa volonté d’explorer les intervalles de la normalité, il aime les marginaux et les anti-conformistes à son image. De plus, comme il le dit lui-même « Certains types d’histoires – les plus intéressantes, les moins formatées – ne peuvent être racontées que de manière indépendante » car le cinéma traditionnel actuel, même si il ne manque pas de qualités, est souvent très calibré, trop pour Gregg Araki, sincère jusqu’au bout dans ses intentions filmiques.
Kaboom
Réalisé en en 2010, Kaboom a été mon premier contact avec Gregg Araki. J’adore ce film, sur tous les plans. Et pourtant c’était pas gagné au départ. La première fois que j’ai entendu parler de Kaboom c’était par des camarades de classe du lycée. Ils étaient en option cinéma et étaient allé voir ce drôle de film qui, de ce que j’avais compris, parlait beaucoup de cul et était assez barré. Le hasard a voulu que le vois quelques années plus tard et ça a été un véritable coup de cœur cinématographique.
Kaboom relate la vie de plusieurs personnages sur un campus universitaire centré sur les études artistiques. On suit Smith, étudiant bisexuel attiré par son colocataire très hétéro ainsi que sa meilleure amie Stella, lesbienne embarquée dans une relation très étrange avec une supposée sorcière. La fantasque London débarque dans leur vie au moment où de multiples événements viennent semer le trouble sur le campus.
Avec ce film, Gregg Araki renoue avec les thèmes chers à son cœur que sont l’adolescence et l’homosexualité. Le film a d’ailleurs reçu la première Queer Palm du festival de cannes pour son traitement de l’homosexualité et de la bisexualité à l’écran.
Voici la bande annonce du film, merci d’éloigner les enfants de l’écran si il y en a !
Gregg Araki décrit Kaboom de la manière suivante : « c’est une explosion de sexe, de folie, de couleurs, de sectes, d’hommes avec des masques d’animaux ». Et bien je ne peux qu’approuver, ce film est fou ! Le rythme est enlevé et à la fois irréel mais on entre à pieds joints dans le délire du réalisateur et on adore !
Gregg Araki a projeté beaucoup de lui dans le personnage de Smith qui est, comme lui auparavant, étudiant en cinéma. Les personnages, parfois maladroits mais toujours d’une sincérité qui perce l’écran, sont attachants et captivants jusque dans les scènes de sexe. Parlons du sexe d’ailleurs ! Il est très présent dans le film mais pas inutilement. Dans ce campus bouillonnant d’hormones, Gregg Araki explore les relations humaines via leur intimité la plus folle, ce qui donne un point de vue très rafraîchissant sur la sexualité et notamment celle des jeunes.

Les acteurs sont tous géniaux et le film a le mérite d’avoir une actrice que j’adore : la fameuse Juno Temple qui campe London (je vous avais déjà parlé d’elle dans l’article sur le film Horns). Selon son acteur principal, Thomas Dekker, avec Kaboom, vous aborderez la culture jeune sous un aspect neuf et ça, ça fait du bien.
Côté inspiration, Gregg Araki a toujours adoré le travail de Davind Lynch et notamment sa série Twin Peaks pour son atmosphère unique et sa grande créativité. Cette influence s’est particulièrement exercée chez Kaboom sur l’aspect très libre et imaginaire de l’histoire avec notamment l’attention portée sur le rêve.
Bref foncez sur cette pépite déjantée, vous me direz merci !
White Bird
Quand j’ai entendu parler de White Bird, j’étais conquise d’avance. Deux actrices que j’aime énormément (Shailene Woodley et Eva Green), un réalisateur qui me plaît beaucoup et une bande annonce prometteuse. White bird est sorti en 2014 et a été projeté au festival de Sundance (festival du cinéma indépendant américain) ainsi qu’à Deauville. Il est l’adaptation cinématographique du livre White Bird in a blizzard de Laura Kasischke paru en 1999 aux Etats-Unis et en 2000 lors de la traduction française.
Nous suivons une famille dans les années 80. Kat, adolescente au début du film, est en pleine émancipation et en pleine découverte de sa sexualité. Au même moment, sa mère disparaît comme par magie. Le film relate la réaction de cette famille face à cette disparition et notamment celle de Kat au fil des années qui suivent.

On retrouve dans ce film le sujet adolescent mais il n’est pas le propos principal. En effet, le vrai sujet de White Bird c’est le revers du fameux « rêve américain ». Le cliché de la famille tranquille de classe moyenne, dans une ville tranquille des états-unis et ses vérités dérangeantes. La mère de Kat s’enlise dans son rôle de mère parfaite tandis que sa fille grandit et devient femme.
De même que des thèmes différents, la manière d’aborder et de travailler le film est elle aussi différente. Comme pour Mysterious Skin, White Bird est une adaptation de roman. Gregg Araki explique qu’adapter un roman lui impose un cadre, une direction et surtout l’importance de retranscrire la voix de l’auteur d’origine. De ce fait ces deux films sont moins fous que le reste de sa filmographie mais la patte de Gregg Araki reste bien là : des touches de couleurs vives et saturées, un traitement juste et cru de la sexualité et toujours cette influence à la Twin Peaks avec le travail sur le rêve et la distorsion du réel.
Le film est envoûtant, littéralement. Entre poésie et thriller, Araki nous balade au fil de son film et c’est passionnant.
On retrouve aussi l’amour de Gregg Araki pour les personnages marginaux avec les deux meilleurs amis de Kat. Ils sont en dehors des codes standards de la société et l’assument avec amour et irrévérence. Parmi ces deux personnages, on a la formidable actrice Gabourey Sidibe rendu célèbre par l’émouvant Precious.

Dans ce film, Gregg Araki a une fois de plus distillé un peu de lui et de ses expériences afin de nourrir son projet. Les années 80 ont été le cadre de l’évolution de Kat vers l’âge adulte et cela fait écho à la propre vie de Gregg Araki. Etudiant dans les années 80, cette décennie a été pour lui une période d’apprentissage et d’évolution. De même, situé le film dans les années 80 a permis au réalisateur de rendre hommage à la musique de cette époque, chère à son coeur, comme le prouve la bande originale de White Bird.
En bref
Gregg Araki est véritablement un réalisateur à découvrir notamment à travers ces deux œuvres que sont Kaboom et White Bird. Le style Araki ce sont des visuels travaillés, des atmosphères explosives ou oniriques et un propos toujours juste sur notre société. Voir un film de Gregg Araki c’est une expérience à part entière, un moment qui se savoure … alors savourez !