L’objet de la discorde
L’animation japonaise et moi ça a mal débuté. Quand j’avais sept ans, mes parents m’ont emmené voir au cinéma Le voyage de Chihiro, réalisé par Hayao Miyazaki. Autant vous dire que l’expérience n’a pas été concluante et que sur mon siège j’étais terrifiée par ce que je voyais : les fantômes, les divinités bizarres, la sorcière Yubaba et son bébé géant…

À cause de ma peur d’enfant, je suis complètement passée à côté de l’œuvre. Peu de temps après, mes cousins ont voulu regarder le dvd de Princesse Mononoké. J’ai voulu y jeter un coup d’œil et autant dire qu’il a été rapide. Les premières minutes peuvent être assez impressionnantes (tout le film l’est d’ailleurs) et là aussi, effrayée, j’ai mis fin à mon visionnage et n’ai jamais vu plus loin que les premières minutes.

Il faut préciser que je suis issue de la génération Disney. J’ai été biberonné à ces films d’animation et suis incollable sur toutes les chansons et divers personnages : mon enfance et ma vision de l’animation ont été forgés par le prisme de Disney. Le problème, c’est que la vision Disney est assez différente de la vision japonaise quant au sujet de l’animation ainsi que son but. Les Japonais considèrent, que la plupart du temps, un film d’animation n’a pas pour vocation de n’être vu que par la jeunesse. Au contraire, les réalisateurs incluent différents niveaux de lectures pour que l’œuvre puissent être appréciés autant par les adultes que par les plus jeunes. Evidemment, il y a tout de même des limites . On ne montrera pas Princesse Mononoké à la même tranche d’âge qui va regarder Kiki la petite sorcière, mais la nuance est bien là. En effet, les films Disney sont majoritairement destinés aux enfants, du coup, les équipes de Disney adaptent le propos et le contenu de leur film à cette tranche d’âge, quitte à produire des choses un peu trop lisse.
Evidemment Disney inclue aussi des moments tristes qui forgent les personnages et servent l’intrigue, mais généralement ces moments n’ont pas la même portée, ni les différents niveaux de lectures que proposent les films d’animations japonais.
De ce fait, l’animation japonaise a percuté de pleins fouets ma vision de l’animation et ce à quoi m’avait habitué Disney. Ce brusque écart s’est particulièrement fait sentir dans le cas de Princesse Mononoké car j’étais sûrement trop jeune à tous les niveaux pour le visionner: par rapport à la violence ainsi qu’au message développé dans le film.
Ensuite, c’est pire.
Déjà qu’enfant, c’était mal parti, l’ incompréhension a continué à l’âge adulte : lors d’une précédente relation, je voyais défiler régulièrement à la télé tous les épisodes de Dragon Ball Z et bon dieu que j’ai trouvé ça long et inintéressant. Je ne comprenais pas que l’on pouvait faire durer un seul coup de pied sur quasiment trois épisodes, ni comment se justifiait la surenchère de pouvoir et de combat présent dans l’histoire. Tout cela m’a alors considérablement refroidi et m’a conforté dans mon blocage.
Au final, les rares occasions où j’ai côtoyé l’animation japonaise, ça a été un échec mais il y a quand même eu UNE exception. Quand j’étais au lycée, à Noël, l’un de mes neveux a reçu en cadeau le dvd de Ponyo sur la falaise, œuvre là encore de Miyazaki. Les enfants se sont installés devant la télé familiale et de mon côté je menais ma petite vie d’ado. Puis, à force de jeter des coups d’œil à l’écran en passant, j’ai finalement pris une chaise et me suis installée au milieu de la marmaille avec des yeux ronds comme des billes. Sans m’y attendre pour deux sous, ce film m’avait charmé, par sa poésie et sa délicatesse. Je ne le savais pas encore mais j’avais mis le doigt sur ce qui, bien plus tard, serait la raison de ma réconciliation avec l’animation japonaise.

Mais là vous devez vous dire, enfin que diable, viens en au fait ! Comment est venue cette réconciliation ? Tout doux on y arrive.
À cause de ces mauvaises expériences, je n’ai pas cherché plus loin et n’ai jamais essayé de découvrir d’autres œuvres issues de l’animation japonaise. J’étais percluse de préjugés et restait sur mes positions : non ça ne m’intéresse pas point barre. Et ce, d’autant plus que je ne suis pas friande de cette culture en générale comme avec les mangas par exemple. Je n’en ai quasiment jamais lu et c’est un produit culturel qui ne m’attire pas. Sauf que, et c’est de là que vient le changement, je suis désormais en couple avec un libraire spécialisé dans la bande dessinée, les comics… et le manga. Il en lit régulièrement et visionne également des animés. Le terme animé, désigne en dehors des frontières nippones, toute la production d’animation produite au japon.

Les animés, notamment produits pour le petit écran, sont parfois des adaptations de mangas ou de romans ou alors sont des œuvres originales. Mon chéri est friand de cette culture et c’est comme ça, qu’à petites doses, j’ai commencé à regarder avec lui quelques animés. J’appréciais parfois ce que je regardais, comme l’animé des Seven Deadly Sins par exemple, mais il manquait encore le fameux « je ne sais quoi » qui ferait tomber mon blocage.

Puis il y a quelques semaines, mon cher et tendre me propose de regarder Le garçon et la bête de Mamoru Hosoda. Sans grande conviction j’accepte et m’installe face à l’écran. Et là, ma foi, le blocage a sauté. L’histoire est celle d’un jeune garçon, Ren, qui, alors qu’il se retrouve sans famille, va se faire adopter de manière inopinée par un être hirsute et solitaire, Kumatetsu, qui vit dans le royaume des bêtes. Ren devient alors le disciple de Kumatetsu et s’en suit une histoire passionnante sur la filiation et la transmission. J’ai adoré ce film sur tous les points : le dessin, l’histoire, l’humour, le message …
J’ai également grandement apprécié cette plongée dans la culture et les croyances japonaises. En effet, le film fait plusieurs clins d’œil à la culture nippone. Les personnages principaux de ce film sont des animaux et par exemple, le seigneur du royaume des bêtes est un vieux lapin blanc. Je ne m’attendais pas à voir un lapin à un rang de seigneur et mon chéri m’expliqua que le lapin a une place particulière dans la culture et l’imaginaire nippon. Effectivement, après quelques recherches, je découvre des histoires passionnantes autour de ce sujet.

Le dieu Yumigami, dieu de la lune est représenté sous les traits d’un lapin blanc. Il est chargé d’aider Amaterasu, la déesse du soleil à faire tomber la nuit en dessinant la lune dans le ciel. Ainsi plusieurs légendes asiatiques mettent en scène un lapin, et notamment un lapin blanc. Le lien entre le lapin et la lune s’explique par l’une de ces légendes :
→ Article du blog « expérience japon »
» La légende raconte qu’un jour, un dieu descendit sur terre et prit la forme d’un homme affamé. Il se rendit dans une forêt, et voulait tester la capacité des animaux à vivre dans les bois. Tous les animaux présents lui ramenèrent de la nourriture. Le singe grimpa dans les arbres et lui ramena des fruits. L’ours alla pêcher des poissons dans la rivière. Les oiseaux chassèrent des insectes et des vers qu’ils offrirent au mendiant. Tous avaient un présent pour le vieil homme. Tous, sauf le lapin, qui n’avait pas les ressources nécessaires. Il avait beau renouveler ses tentatives, il ne réussissait pas à trouver de la nourriture pour l’homme criant famine. Les autres animaux commencèrent à se moquer de lui. Le lapin voulait pourtant lui aussi vraiment venir en aide au vieil homme, et demanda alors à ce qu’on allume un feu. Il décida alors d’offrir au mendiant sa propre vie, sa propre chair, et se sacrifia en se jetant dans le feu pour que l’homme le mange.
Le dieu fut très ému de cet acte, et dans sa grande gratitude, sauva sa vie, et le récompensa en l’envoyant habiter sur la lune. Depuis, les japonais voient le dessin d’un lapin sur la face de la pleine lune. Et chaque année, le 15ème jour du 8ème mois lunaire (qui tombe en septembre ou en octobre en fonction des années), se tient la fête Tsukimi, la fête de la pleine lune. »
Suite à cette découverte et emportée par un enthousiasme nouveau, j’ai demandé à voir et revoir d’autres œuvres du même genre. Ainsi, durant plusieurs jours j’ai enchaîné les visionnages et je peux alors vous expliquer comment a évolué cette réconciliation.
Néanmoins, avant d’aborder précisément les raisons et les œuvres concernées dans ce processus, je vous propose de nous arrêter un moment pour établir le contexte qui a favorisé la naissance de ces fameuses œuvres. Pour cela, focus sur l’animation japonaise et son évolution dans le temps, depuis ses origines jusqu’à l’ère moderne de l’après guerre.
L’animation japonaise et son évolution
Rappel historique
Si l’animation japonaise est ce qu’elle est aujourd’hui, elle le doit à des pratiques traditionnelles et anciennes. En effet, l’art des rouleaux peints comme ensuite ,celui des estampes, a grandement influencé la manière de dessiner des artistes actuels. Et ce, grâce à une présence précoce de l’animation avec déjà des traits dynamiques et des personnages en mouvement.
Ici le mouvement de la vague chez Hokusai et l’explosion chez Kawanabe Kyosai.
La Manga (1814-1878) par exemple, est un rassemblement d’illustrations sur des thèmes et des sujets variés réalisée par Hokusai. C’est une oeuvre primordiale dans l’évolution du dessin au japon et dans le monde . À travers toutes ces illustrations de l’univers japonais, Hokusai nous livre un témoignage historique et artistique mémorable qui apprend également beaucoup sur l’art du mouvement et de la dynamique dans le dessin.

→ Expositions Bnf sur l’estampe japonaise – La Manga Hokusai
D’autres pratiques participeront à cette évolution de l’animation mais en jouant plus sur des techniques matérielles que sur le dessin lui-même. On trouve notamment parmi ces techniques les boîtes d’optiques et les lanternes magiques.
Si ce sujet vous intéresse (car il est passionnant) et que vous vous voulez en savoir plus (car là j’ai essayé de condenser un maximum) vous pouvez voir ces différentes sources :
→ Conférence sur l’animation japonaise des origines à nos jours – Brigitte Koyama-Richard
→ La genèse de l’animation japonaise
→ https://www.vivrelejapon.com/a-savoir/comprendre-le-japon/les-rouleaux-illustres
Le bouleversement apporté par les frères lumières, les techniques de l’américain James Stuart Blackton ainsi que les travaux du français Émile Cohl amenèrent les japonais à développer leur maîtrise de l’animation et à la moderniser : le dessin en lui-même doit être complété par le mécanisme de succession d’image.
Au début du 20e siècle, les premiers pas des japonais dans les dessins animés sont principalement des illustrations de contes et de légendes japonaises. Durant la guerre, en 1943, le film d’animation nommé L’araignée et la tulipe et réalisé par Kenzo Masaoka fut une petite révolution dans l’histoire de l’animation japonaise du fait des multiples techniques utilisées pour le produire. On pourrait, en outre, y déceler un message politique en voyant l’araignée comme une métaphore du nazisme.
Kenzo Masaoka est très important dans l’évolution du dessin animé au japon car il sera le premier a utilisé la technique américaine du celluloïd et non pas la technique du papier découpé. L’utilisation du celluloïd, qui est une feuille transparente sur laquelle on peut peindre, permet des superpositions d’images. Ce procédé amène donc une meilleure fluidité et une meilleure perspective ce qui aboutit à un mouvement simplifié.
L’ère moderne
Les dessins animés comme on l’entend au sens moderne, apparaissent au Japon après la guerre (seconde guerre mondiale). L’animation japonaise, historiquement, se partage globalement en quatre principaux studios de production.

Le studio Tezuka production a été créé par Tezuka Osamu. Osamu est un grand maître du manga et il produira via ses studios (studio Mushi puis Tezuka production) beaucoup de films d’animation pour la télévision. Il est notamment le créateur du célèbre personnage d’Astroboy en 1963, alors l’un des tous premiers animés hebdomadaires, mais aussi de l’histoire Le Roi Léo en 1965, qui elle, est la première série animée en couleur au japon. Osamu Tezuka aura un disciple célèbre, le fameux Rintaro, qui animera à l’écran le manga de son mentor : Metropolis. Il est de coutume dans beaucoup de studios de porter à l’écran des mangas déjà existants car beaucoup d’animateurs ont été mangaka avant de faire de l’animation.
Ensuite nous avons le studio de la Toei Animation créé en 1956. Ce studio voulait majoritairement faire des films d’animations pour le grand écran mais il produira aussi quelques séries animées comme Albator. On doit notamment à la Toei ce qui est considéré comme le premier animé en couleur de l’animation japonaise : Le Serpent blanc en 1958 réalisé par Taiji Yabushita, ce film est l’adaptation d’une légende asiatique. De manière générale, l’animation japonaise aime puiser son inspiration dans ses légendes et ses contes pour produire ses œuvres.
Sur ce même principe le studio TMS Entertainment produit beaucoup d’œuvres issues des contes japonais mais également des adaptations de classiques littéraires occidentaux comme par exemple Rémi sans famille.
D’autres studios ont vu le jour et se sont fait une place dans l’animation japonaise comme Sunrise ou Madhouse mais il y en a un qui mérite qu’on s’y attarde particulièrement c’est bien sûr le studio Ghibli.
Malgré mes « traumatismes » d’enfance, j’entendais toujours parler avec moult éloges des productions du studio Ghibli alors c’est assez naturellement que je me suis orientée vers ses œuvres pour ce processus de réconciliation ; surtout qu’il me fallait redécouvrir d’un œil neuf certains films en particulier comme Princesse Mononoké ou Le voyage de Chihiro .
La réconciliation : Ghibli
Le studio Ghibli
L’animation japonaise s’est fait connaître majoritairement par ses séries animées mais malheureusement, pour des raisons économiques, la qualité n’était pas toujours au rendez-vous ce qui dépréciait l’animation nippone en général. En effet, dans le but d’amoindrir les coûts de production, on faisait moins de dessins à la seconde ce qui nuisait notamment à la fluidité de l’animation. Contre ce marasme ambiant, deux hommes vont collaborer afin de créer un studio indépendant grâce auquel ils pourront laisser libre cours à tout leur talent et toute leur maîtrise. Hayao Miyazaki et Isao Takahata se sont connus lorsqu’ils travaillaient dans le studio qui allait devenir la Toei animation. Le long métrage qui lancera la création de leur studio est l’adaptation du manga de Miyazaki : Nausicaä de la Vallée du vent. Afin de pouvoir produire cette oeuvre, les deux hommes vont s’allier au petit studio Topcraft qui fermera peu de temps après, malgré le succès du film. Les deux dessinateurs, pour se financer, vont alors s’allier à Tokuma Shoten qui possède le magazine Animage dans lequel était publié Hayao Miyazaki. C’est à ce moment là que débute vraiment le studio Ghibli avec la sortie du film Le château dans le ciel en 1986. Le principe du fonctionnement du studio étant que chaque film est financé via les recettes du précédent, un tel équilibre exige une maîtrise de tous les instants afin de maintenir la qualité des œuvres produites. Cette fameuse maîtrise a donné ses lettres de noblesse au studio Ghibli qui est reconnu par delà les frontières nippones comme le meilleur représentant de l’animation japonaise.
Hayao Miyazaki et Isao Takahata sont véritablement la colonne vertébrale du studio Ghibli. C’est d’ailleurs Miyazaki qui a trouvé le nom du studio. Voulant rendre hommage à sa passion pour l’aviation tout en affirmant son désir de faire souffler un vent de nouveauté sur l’animation japonaise , Miyazaki donna au studio le nom d’un vent désertique, Ghibli, qui est également le nom donné par les Italiens à leurs avions de reconnaissance durant la seconde guerre mondiale.
Il me reste encore beaucoup de films à voir de ce studio ainsi que les œuvres d’autres artistes n’appartenant pas à Ghibli. Mamoro Hosuda par exemple, réalise de vraies merveilles : en plus de l’animé Le garçon et la bête, mon cœur a tout récemment flanché devant Les enfants loups : Ame et Yuki, sorti bien plus tôt en 2012. Mamoru Hosuda a fait un passage par les studios Ghibli mais pour cause de désaccord, sa collaboration avec le studio s’est terminé en 2002. J’ai hâte de suivre l’avancée de ce réalisateur très prometteur.
Mon miracle Ghibli
La qualité visuelle
La première raison pour laquelle j’ai adoré les films de ce studio est que ce sont de beaux films. Les images sont vraiment travaillées et la fluidité de l’animation est parfaitement au rendez-vous. Hayao Miyazaki et Isao Takahata ont réussi leur paris de faire plus beau et plus qualitatif avec leur propre studio. Grâce à cette indépendance, ils peuvent s’investir autant qu’ils le souhaitent pour parfaire leur projet. La pression n’est point celle de la rentabilité mais celle de la qualité. Hayao Miyazaki est d’ailleurs connu pour être un bourreau de travail, dessinant sans relâche pour parvenir au résultat qu’il souhaite et aimant porter plusieurs casquettes à la fois dans la production de ses films. Tout l’amour et l’investissement mis en oeuvre par l’équipe des studios Ghibli transparaît dans leur oeuvre filmique d’une beauté sans égale.

La qualité scénaristique
Parmi les films que j’ai visionné pour l’instant, mes préférés sont sans conteste ceux de Miyazaki. Par rapport aux intrigues des différents films du studio, celles qui m’ont tout de suite attirées relevaient du genre fantastique. Et là, le maître incontesté c’est bien évidemment Miyazaki. Tandis qu’Isao Takahata, avec beaucoup de finesse, s’attaquera à un genre plutôt réaliste, Miyazaki, lui, est beaucoup plus porté sur des univers merveilleux, au sens magique du terme. Arrietty et le petit monde des chapardeurs, est de cette veine là mais est réalisé par Hiromasa Yonebayashi. Bien qu’ayant beaucoup aimé ce film, je n’ai pas ressenti la même puissance immersive, ni l’émerveillement provoqués par les films de Miyazaki.
Depuis toujours, je suis une amatrice passionnée de fantastique, de magie et d’univers imaginaires. Sur ces points, Hayao Miyazaki a comblé toutes mes attentes et n’a cessé de me toucher, encore et encore, par sa poésie et son imagination débordante. Il possède un talent rare, celui de l’immersion. Sa création , aussi folle soit-elle nous happera. Elle nous invitera dans son monde incroyable et nous, séduits et avides de plus, nous la suivront avec empressement pour une immersion complète en terre Miyazaki.
Ces trois films que sont Princesse Mononoké, Le voyage de Chihiro et Mon voisin Totoro m’ont tous provoqué ravissement et vives émotions mais chacun avec sa propre nuance, sa propre subtilité.
Mon voisin Totoro (sorti en 1988) est celui qui m’a le plus émerveillé et fait retomber en enfance. À son visionnage, j’ai ressenti des émotions avec lesquelles je n’avais pas renoué depuis longtemps.
Grâce au don que possède Hayao Miyazaki pour instiguer le merveilleux, j’ai eu devant ce film un enchantement très enfantin. D’indices en indices, nous suivons avec les jeunes héroïnes un jeu de piste intriguant : une présence mystérieuse dans la vieille maison, des petites créatures qui se faufilent très rapidement dans le jardin puis enfin Totoro, divinité attachante tout en rondeur et naïveté. Miyazaki nous a donné un fil à remonter et ça a terriblement bien marché.

À l’image de quasiment toutes les créatures de Mon Voisin Totoro, Hayao Miyazaki à tendance à disperser dans ses films des personnages tout à fait adorables afin, sans doute, de distiller un peu de douceur dans son monde parfois un peu brute. J’ai appelée cette habitude, la « caution Kawaii » (kawaii signifiant mignon en japonais). Ainsi dans Le voyage de Chihiro, on retrouve cette fameuse caution Kawaii avec le petit rongeur joufflu, dans Princesse Mononoké c’est via les esprits de la forêt (les Kodama) et dans Ponyo sur la falaise c’est avec le personnage du poisson, lui aussi tout en rondeur et mignonnerie. Cette jolie habitude a eu raison de mon petit cœur faible et m’a donné envie de faire des câlins à mon écran.

Miyazaki n’a évidemment pas le monopole du « kawaii » car c’est une tendance que l’on retrouve dans énormément d’œuvres cinématographiques et télévisuelles japonaises. Néanmoins, j’ai aimé ces personnages terriblement attachants disséminées dans l’oeuvre d’Hayao Miyazaki car elles participent à varier les tons et les émotions dans chacun de ses films.
Princesse Mononoké, avec mes yeux d’adultes, a été un véritable choc pour moi. La profondeur du message de ce film incroyable, tout comme l’intelligence avec laquelle il est délivré et mis en scène m’a fait l’effet d’un bonne grosse claque. La relation de l’homme à la nature est un thème récurrent dans la filmographie de Miyazaki mais c’est dans Princesse Mononoké qu’il est le plus développé et mis en avant. La nature devient un personnage à part entière à travers toutes les divinités et créatures qui l’habitent. Ces dernières se font la voix d’un environnement blessé et en rébellion contre le comportement humain. Néanmoins rien n’est manichéen dans ce film, l’homme et la nature ne sont ni totalement bons , ni totalement mauvais, c’est leur confrontation et l’incompréhension mutuelle qui en découle qui est relatée. C’est pour cela qu’il y a de la violence crue, du tragique mais également du splendide et du poétique : la nature et l’homme peuvent produire autant de merveilles que de chaos, et notamment quand ils se mesurent l’un à l’autre. Avec cette absence de manichéisme, la filmographie de Miyazaki se révèle porteuse de messages foncièrement nécessaires pour une meilleure appréhension du monde et ça, c’est plutôt utile à comprendre quand on est jeune.
Dans ce film, j’ai pu sentir la sensibilité et la richesse de l’imagination sans limites de Miyazaki, ainsi que toute l’importance que prennent les croyances et l’animisme dans son cinéma. Cependant, Le voyage de Chihiro est le film qui excelle le plus dans la mise en place d’un univers foisonnant et c’est pour cette raison qu’il est mon préféré.

Le voyage de Chihiro, au-delà de son intrigue passionnante, vous plonge dans un monde tellement riche d’idées et de détails que l’immersion est totale. Nos yeux ne savent plus où regarder tellement il y a de choses à voir et la découverte de ce monde inconnu est tout bonnement passionnante. Quant le site Buta Connection compare le manga de Nausicaä de la Vallée du Vent à un univers à la Tolkien, de part sa complexité, je n’hésite pas à rapprocher Le Voyage de Chihiro avec l’univers très riche et codifié de J.K Rowling. Au même titre qu’ Harry Potter, Chihiro atterrit dans un monde qui lui est totalement étranger.
Un monde régit par des règles et un fonctionnement qui lui est propre dans lequel, pour évoluer et survivre, elle devra apprendre comme le fera Harry dans le monde des Sorciers. Cette idée du parcours initiatique est aussi un motif régulier chez Miyazaki. Cette thématique est d’autant plus intéressante à regarder, qu’ elle se déroule dans des univers fantasmagoriques sous le crayon de Miyazaki. Il n’y a pas que les personnages qui grandissent et gagnent en maturité. Le spectateur lui aussi apprend et réfléchit.
En bref
Alors que Mamoru Hosoda m’a ouvert la voie, Miyazaki est celui qui m’a définitivement réconcilié avec l’animation japonaise. Ce grand artiste avec son talent m’a fait comprendre à côté de quoi je passais. Grâce à tout ce processus qui s’est enclenché ces derniers temps, je me réjouis de toutes les perspectives culturelles qui s’ouvrent désormais à moi. Il me reste tant d’œuvres à regarder et cela me rend très heureuse. Qui sait, avec l’aide de mon chéri, je vais peut être également me mettre aux mangas !
J’espère que vous avez apprécié cette lecture, à bientôt pour de nouveaux articles !
Pour en savoir plus / Sources :
→ La conférence vidéo : L’animation japonaise des origines à nos jours
→ La genèse de l’animation japonaise
→ https://www.vivrelejapon.com/a-savoir/comprendre-le-japon/les-rouleaux-illustres
→ la vitrine des studios Ghibli en France: http://www.buta-connection.net/accueil/
Ce site est une mine d’or d’information : idéal pour tout savoir sur les productions Ghibli ainsi que les artistes qui y travaillent.
→ http://www.animeland.fr/dossier/masaoka-kenzo-le-pere-des-anime/
→ Wikipédia : Celluloid (dessin animé)
→ Allociné : Biographie de Rintaro
→ Le site Giphy pour la plupart des gifs de l’article : https://giphy.com/
→ vous en trouverez également par là : http://studioghifli.com/
Un article incroyable ! Je me suis mise à l’animation japonaise moi aussi grâce à mon ex. J’ai toujours été bercée par les openings des animés que mon frère regardait quand il était petit (et encore maintenant, il est fan) mais je n’y avais jamais prêté + attention. Mon ex-copain m’a montré un jour Deathnote (bon…pas la même chose que Le voyage de Chihiro) et je l’ai trouvé très réussi, j’ai regardé tous les épisodes comme une série et c’est comme ça que je me suis mise à DBZ, Naruto et Hunter x Hunter ! J’ai beaucoup d’années de retard à rattraper aha mais je me suis vraiment vue dans ton article.
Au passage tu as une très belle écriture, je suis vraiment tombée sur ton blog par hasard et il a l’air vraiment intéressant, c’est pas ce que je lis d’habitude mais justement je pourrais peut-être apprendre des choses !
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Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je suis contente de voir que mon expérience n’est pas isolée et qu’elle fait écho à celle d’autres personnes 🙂 Comme toi j’ai du retard à rattraper mais y’a de quoi faire donc c’est chouette ! A bientôt je l’espère 🙂
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Le voici, le voilà ton article sur l’animation japonaise … ahhh non ta thèse sur l’animation du Nord du Japon entre 1983 et 2016 … Je rigole !!! j’ai bien aimé lire tes balbutiements, tes allers-retours émotionnels par rapport à cette forme d’art … par contre il faut absolument que
tu rectifies une information de la plus haute importance … c’est une de tes NIECES qui a eu Ponyo sur la falaise puisque c’est moi qui l’ai offert et qu’il est toujours dans notre bibliothèque 😉 gros bisous ma belle
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