Dans le premier article je définissais le cinéma d’horreur, mais la vraie question c’est pourquoi on aime le cinéma d’horreur. Je suis d’une tendance flippette : j’ai peur des insectes, du noir complet, j’ai le vertige, je ne suis pas très aventurière et j’ai parfois du mal à sortir de ma zone de confort. Néanmoins j’adore les films d’horreur. Paradoxe ? Peut être que pour vous oui mais en fait pas du tout. Et je vais vous expliquer pourquoi.
Dominer sa peur
Dans mon cas, j’aime regarder des films d’horreur car j’aime me faire peur. Par contre, grâce à un film, mon pic d’adrénaline a lieu en sécurité. Je peux décider de me cacher les yeux ou même d’arrêter le film si ça me fait trop peur. En quelque sorte c’est une peur sous contrôle. Bizarrement, pour mon copain c’est l’inverse ! Il n’aime pas les films d’horreur car il a le sentiment de ne rien maîtriser en tant que spectateur. C’est pourquoi il aime les jeux vidéos d’horreur car là, il peut agir directement et avoir un effet dans le jeu. Il peut modifier le cours de l’action en tant que joueur. Après, il faut bien l’admettre, même si j’aime me faire peur, il y a parfois des films qui me font regretter mon visionnage car je n’en dors pas de la nuit (merci Conjuring 2) mais c’est le jeu !

Dans le cadre de l’article, j’ai écouté un podcast passionnant de France Inter. Ce podcast est animé par Ali Rebeihi et se nomme « Ça va pas la tête ». Celui qui nous intéresse porte justement sur les films d’horreur : « Films d’horreur, thrillers : pourquoi prend-on plaisir à se faire peur ? ». Ali Rebeihi y interroge quatre personnes : Franck Thilliez, écrivain de thriller, Olivier Delcroix, journaliste au Figaro, Laurent Aknin, historien et critique de cinéma et enfin Olivia Chevalier-Chandeigne Docteure en Philosophie (La Philosophie du cinéma d’horreur).
→ « Films d’horreur, thrillers : pourquoi prend-on plaisir à se faire peur ?
Ali Rebeihi et ses invités débattent autour du cinéma d’horreur, de sa fonction et de ce qu’il nous fait ressentir. Ils sont tous d’accord sur le fait que regarder un film d’horreur est une façon de se tester, de se challenger. La peur ressentie face à l’objet filmique nous fait nous sentir vivant. La peur est une émotion très forte et il y a une certaine satisfaction à la combattre et la contrôler. Je pense que c’est pour cette même raison que j’adore les films catastrophes, c’est-à-dire les films mettant en scène une catastrophe naturelle ou technologique. Ma maman et moi, tous les dimanches comme un rituel, on regardait ensemble le film catastrophe de TF1. Je ne comprenais pas forcément pourquoi j’adorais ces films mais désormais je saisis mieux le problème. De la même manière qu’un film d’horreur nous fait peur, le film catastrophe nous chamboule et nous met dans une situation d’empathie face à la situation de stress intense que vivent les personnages. Mon cardio palpite de la même façon que devant un film d’horreur et c’est plutôt chouette comme sensation.
Franck Thilliez dit également que la peur est « une émotion de survie depuis toujours » et qu’elle « a besoin de s’exprimer ». Il assimile ce cinéma à un « cinéma de transgression » et c’est là je pense que se situe une partie de ce qui fait le sel du cinéma d’horreur. La transgression est le fait d’outrepasser les règles. Le film d’horreur est ainsi transgressif dans la mesure où se faire peur peut apparaître comme un non-sens. Il est également transgressif dans les thèmes qu’il aborde et sa notoriété sulfureuse. Laurent Aknin, quant à lui, explique qu’on attribuait au cinéma d’horreur une mauvaise réputation car on pensait qu’il était nocif, qu’il « donnait des mauvaises idées » mais justement c’est plus subtil que ça. Et c’est justement dans cette nuance que l’on aborde un autre versant des fonctions du film d’horreur.
La catharsis et la réflexion sur le mal

Laurent Aknin poursuit donc en disant qu’un film d’horreur ne nous met pas de mauvais idées en tête, il aurait même l’effet inverse : celui de les en sortir grâce à l’effet de catharsis ou de « purgation des passions » comme le nommait Aristote. De plus, outre l’effet de catharsis, le film d’horreur permet une véritable réflexion autour du mal. Olivia Chevalier-Chandeigne, docteure en philosophie, dit que le film d’horreur « assume la potentielle laideur de l’inconscient » d’où le possible effet de purgation. Ensuite, le film d’horreur, continue Olivia Chevalier-Chandeigne, « propose diverses pistes pour explorer l’origine du mal ».

Le mal c’est une question centrale chez l’humain d’où le succès des films d’horreur et leur pouvoir effrayant : Olivia Chevalier-Chandeigne explique ainsi que « le mal vient de l’humain et c’est ça qui l’effraie le plus ». Dans un film d’horreur, généralement, tout part de l’humain même si le protagoniste « effrayant » est une créature ou un animal. En effet, si l’humain est attaqué par un animal mutant par exemple c’est souvent en punition d’une faute imputable à l’espèce humaine en général (la pollution, l’expérimentation scientifique, se prendre pour « dieu » au mépris de l’éthique…). Ainsi, on a des films d’horreur qui font le procès de l’homme et de ses tragiques défauts.
Je ne vais pas vous le cacher, mes films d’horreur préférés sont souvent des films de créatures. Dinosaures, virus glaciaire (coucou The Thing), extraterrestres, requins disproportionnés, mutation bizarroïdes, zombies, monstres surnaturels en tout genre, Kaijus … Je les adore ! Si je les aime tant c’est parce-que, selon moi, ils répondent à un besoin de me confronter à une peur très primaire que j’ai toujours eu : la peur de me faire manger, d’être une proie. Pour preuve, enfant, j’étais terrifiée par E.T. L’extraterrestre. Mon cauchemar le plus terrible était la vision d’un E.T s’approchant doucement de mon lit, avec des dents pleins la bouche (alors qu’il n’en a pas de base).
Bon App’

En dehors des films de créatures, lorsque le monstre est totalement humain, le film propose une réflexion sur la folie, sur les méandres de l’âme humaine comme l’a fait par exemple Le silence des agneaux en incluant le volet psychologique à son intrigue.
Dans la continuité de cette idée, on voit de plus en plus fleurir des productions où les problèmes ou souffrances psychologiques prennent vie sous forme de monstres.
Dans Mister Babadook, une mère et son fils sont terrorisés par un monstre issu d’un livre pour enfant. Selon beaucoup de critiques, le monstre en question est probablement la cristallisation et la manifestation de la profonde dépression de la mère. La noirceur de sa souffrance devient alors dangereuse mais de manière visible et tangible.

Dans l’excellent Ne t’endors pas, un jeune garçon est adopté par un couple après le deuil de leur enfant. Le garçon a un don incroyable : celui de matérialiser ses rêves pendant son sommeil, mais également ses cauchemars. Terrifié par son don, il fait tout pour ne pas dormir, aggravant ainsi son équilibre psychologique. Les manifestations de ses rêves, quoique très effrayantes par moment, sont en fait des mécanismes de défense face à ses propres peurs d’enfant. Malheureusement, ces mécanismes sont hors de contrôle car on ne supervise pas ses rêves, ni notre inconscient quand il s’exprime à travers eux.
Ainsi le film d’horreur matérialise nos craintes, nos peurs humaines et nos défauts. C’est un miroir, peu flatteur, mais nécessaire.
Nous avons chacun nos peurs, nos limites et ce ,même dans les films d’horreur. Cela est propre à chacun. J’ai beaucoup de mal avec le genre du « torture porn » car la violence gratuite par pur sadisme et sans grand intérêt scénaristique me rebute. Là est ma limite. Je dis sans « intérêt scénaristique » car parfois, oui, la violence est utile au récit et à l’intrigue. Prenons l’exemple de la série Game Of Thrones que j’adore.

Cette série n’est pas horrifique mais elle est très violente. Or cette violence est intrinsèquement liée à l’intrigue car les personnages sont plongés dans une guerre de succession sans merci avec moult coups bas et manipulation politiques sanglantes, tout ça, afin d’arriver au pouvoir et de siéger sur le trône de Fer. Il faut également mentionner que l’auteur de Game Of Thrones, George R. R. Martin, s’est inspiré d’événements historiques réels pour certaines scènes de son roman (oui oui même pour Les Noces Pourpres). De la même manière, les horreurs perpétrées à la prison Irakienne d’Abou Ghraib au début des années 2000 par des soldats américains sur des détenus, ont été, selon le livre Le cinéma d’Horreur, une matière d’inspiration tragique pour les films de torture porn.
La violence de l’être humain est une réalité, les films d’horreur n’ont rien inventé. Ils ne créent pas le mal, ils le montrent.
PUNCHLINE
Si vous voulez en savoir plus sur les liens entre l’Histoire et Game of Thrones, regardez ces deux excellentes vidéos du youtubeur Nota Bene, spécialisé dans l’Histoire.
→ Game of Thrones – L’Histoire derrière la fiction – Motion VS History #1
→ Game of Thrones – Fin de saisons et inspirations historiques – Motion VS History #2
Quelques témoignages
« Ma première peur d’enfant c’était le duo du renard et du blaireau dans le dessin animé Pinocchio. Je les trouvais louches, gentils mais bizarres. Dans un cauchemar, ils me faisaient cuire dans une marmite de spaghettis. Mes films d’horreur préférés ce sont les films à caractère fantastique. De plus, pour moi le scénario est très important. La peur pour la peur ne m’intéresse pas. » Stéphane
« Je ne regarde pas de films d’horreur parce que je n’ai pas envie d’avoir peur et de faire des cauchemars après. J’aime ressentir des émotions fortes mais pas celle-là, justement, la peur. Niveau thématique, j’ai par exemple adoré la série Stranger Things, ce qui marche avec moi c’est le suspense. Donc les séries c’est top parce que c’est addictif. En souvenir de films qui m’ont fait peur, je dirai des films avec des requins. » Anaïs
Eda : « Les films avec des esprits me font très peur. Par contre, les films de zombies j’ai l’habitude donc ça va »
Nelly : « Je suis parfois curieuse, mais si ça me fait trop peur je m’abstiens. »
Charly : « J’aime regarder des films d’horreur car j’aime le sentiment de dompter mes peurs. Néanmoins, les films avec les esprits je ne peux vraiment pas. »
» Je n’aime pas particulièrement la vue du sang (et il y en a souvent dans les films d’horreur). Par contre, je suis capable de regarder des films de science-fiction ou fantastique super chelous ou compliqués ou stressants. Je préfère quand il y a du suspense. Pour ce qui est des souvenirs, je dirais que c’est le joker dans Batman des dessins animés de quand nous étions petits avec mes frères. Je ne sais pas quel âge j’avais mais il me faisait faire des cauchemars. Ah si, j’ai vu le premier Paranormal Activity mais ça m’a fait rigoler parce que je ne crois pas du tout à ce genre de choses. » Marie
« Ma seule et unique expérience avec les films d’horreur c’est quand j’avais voulu télécharger Destination Finale quand j’étais ado et en recherche de sensations fortes. Finalement, c’était un autre film que j’avais téléchargé, sous le même titre dans le site de téléchargement, mais c’était pas du tout Destination Finale. C’était un truc qui faisait trop peur et hyper glauque en plus avec plein de sang et d’organes dégoulinants. J’avais regardé ça seule chez moi dans la grande maison vide de mes parents. J’avais tellement eu peur que je n’ai plus jamais regardé un film d’horreur de ma vie ! » Marielle
« Je suis allée voir L’Exorciste au cinéma avec mon petit ami de l’époque. Je suis ressortie traumatisée, du coup plus de films d’horreur pour moi ! » Moman

Nous pouvons voir que chacun a ses limites, d’où le fait que le cinéma d’horreur est assez clivant. On voit bien que les films d’horreur à connotation fantomatique ou spectrale font parti des plus effrayants. Le fantôme est l’incarnation même de la frontière entre le réel et le paranormal car il a ce côté imperceptible de prime abord. Il incarne également le poids de la religion avec la crainte du démon, du mal et de ce qu’il y a après la mort. Ce genre de film nous confronte à nos possibles croyances et ça peut chambouler. Pour toutes ces raisons, le spectre effraie beaucoup et place le film de fantôme et de démon (au sens religieux du terme) parmi les films qui divisent et touchent le plus.

Ainsi, les films d’horreur nous permettent de se confronter à la peur, de l’expérimenter, de se sentir vivant et également de nous faire réfléchir à notre côté sombre et à la place du mal dans notre existence et au sein de la société. Certains n’aiment pas ressentir la peur, d’autres oui. On a le choix en tant que spectateur de choisir nos expériences alors profitons-en !
Suite dans la partie 3
Les films d’horreur : une esthétique ensorcelante
Tu peux également lire la partie 1
Les films d’horreur partie 1 : aborder le genre
Sources / Pour aller plus loin :
→ France inter – Films d’horreur, thrillers : pourquoi prend-on plaisir à se faire peur ?
→ Livre Le Cinéma d’Horreur, édition Taschen
→ Le site Allocine pour les images et infos
→ Le site Giphy pour les gifs
Un commentaire