Complexe de chevelure

Aujourd’hui un article très particulier, beaucoup plus personnel qu’à l’accoutumé. Depuis plusieurs mois, j’ai envie de parler de cette évolution qui s’est opéré dans ma vie et a modifié considérablement mon regard sur moi. Ce n’est pas un texte révolutionnaire, c’est l’expérience d’une jeune femme banale qui a vécu un bouleversement inattendu et qui a juste envie de le partager.

J’ai toujours voué un combat acharné contre mes cheveux naturels. Je suis à moitié réunionnaise par ma mère et ce métissage m’a offert une tignasse dont, très longtemps, je n’ai pas su quoi faire. Nous sommes trois sœurs, et ce sont mes cheveux qui sont les plus volumineux et les plus frisés. Enfant, ils étaient plutôt jolis et, il faut bien le dire, je ne m’en préoccupais pas des masses. Je menais ma vie d’enfant sans me soucier encore des complexes. À l’adolescence, les choses se sont gâtées. Mes cheveux sont devenus plus volumineux et bien plus frisés (et très secs en prime).

Je vous vaincrai saleté de cheveux !

 Je les attachais en permanence et à partir du collège j’ai commencé les brushings chez le coiffeur. Le jour où j’ai eu mon propre fer à lisser a été une source d’une grande joie car cela signifiait des économies et une liberté tout nouvelle pour multiplier les lissages! Pour mieux vous faire comprendre ce complexe, il faut que je vous dise que je me sentais apprêtée uniquement quand j’avais les cheveux lisses. Avec mes cheveux naturels, je trouvais qu’il me manquait quelque chose. Evidemment, pour en rajouter une couche, beaucoup de personnes au cours de ma vie m’ont dit qu’ils me préféraient les cheveux lisses, que ça me rendait plus belle. Dédicace toute particulière à mon ex, qui me faisait cette remarque très subtile lorsqu’on s’apprêtait à sortir et voir du monde : « Tu ne te lisses pas les cheveux ? »

Mais ce n’est pas tout, sinon ce ne serait pas drôle :

J’ai eu le droit dans le bus au surnom de « la fille aux cheveux de shit (traduisez la fille aux cheveux de merde), à l’école on m’a appelé Jimmy Hendrix ou le Lion. D’abord, Jimmy Hendrix est un grand artiste et un être humain donc c’est insultant envers sa personne de l’associer à une remarque péjorative, ensuite; le but de ces remarques était évidemment de souligner ma différence et de la tourner en ridicule.

Et évidemment pour un bon relooking, on lisse les cheveux de Princesse Mia ! ou comment stigmatiser les chevelures bouclées sans s’en rendre compte.

Je me souviens également d’un ami quand j’étais en quatrième, qui m’avait fait une remarque anodine en apparence (et qui ne se voulait pas blessante) mais qui au final, a entériné ce complexe et la vision que j’avais de moi-même. Il m’avait raconté qu’il avait fait un rêve où étaient présent tous ses amis.es, dont moi, et que dans ce rêve j’avais les cheveux lisses. Il a conclut en disant qu’avec mes cheveux raidis j’étais vraiment « canon ».

Et pour finir, il y a quelques années pendant que je faisais mes études supérieures, je suis allée une fois en cours les cheveux détachés et naturels. Manque de pot, le vent s’était levé, rajoutant du volume à ma tignasse. Quand je suis arrivée, j’ai croisé mon prof qui s’est montré totalement incrédule et à la limite du blessant face à ma coiffure qui changeait de d’habitude.

Etc etc…

Une allégorie de moi au réveil. Si ma mère m’appelait mon soleil le matin ce n’est pas parce que j’illuminais sa vie…

Il en résultat que pendant de loooooongues années, j’ai été complexée et accro à mon fer à lisser. En dépit de l’aide de mes amies qui trouvaient mes cheveux très beaux au naturel, je n’arrivais pas à passer outre et je persistais à me trouver plus à mon avantage les cheveux raidis. Le pire c’est qu’avec ma masse, un brushing c’est long et fatiguant. Ainsi pour m’aider dans cette corvée, je faisais régulièrement des « raidissants » chez le coiffeur pour assouplir et détendre ma fibre capillaire : de longues heures assises avec parfois deux coiffeuses en plein travail sur ma tête pour bien appliquer le produit.

Tous ces lissages, ces produits, la chaleur des plaques et les élastiques ont fait que mes cheveux ne ressemblaient plus à rien : un joli bordel entre raides, ondulés et bouclés et surtout très abîmés. Même si ma nature de cheveux avait changé et été devenue plus « gérable », leur état était tellement pitoyables que je ne savais toujours pas quoi en faire.

Puis, il y a un an et demi, j’ai rencontré mon compagnon. Il a été le premier homme à me dire que j’étais belle les cheveux au naturel et que cette tignasse, ces cheveux volumineux et rebelles, il les trouvaient beaux. Mon regard sur moi a commencé doucement à se modifier, à évoluer mais je n’étais pas encore prête à m’assumer. La dernière étape de ce processus est intervenue quand je me suis retrouvée au chômage, seule face à moi même et mes angoisses. Ce changement important a occasionné beaucoup de questionnements et de remises questions et, petit à petit, en même temps que j’essayais d’être clémente avec mon corps, j’ai fait en sorte d’être clémente avec mes cheveux. Pour ce faire, j’ai commencé par exemple à changer le profil des femmes que je suivais sur les réseaux sociaux en y incluant plus de diversité capillaire. Cela peut paraître bête, mais quand on est entouré en permanence d’images de filles aux cheveux bien raides et bien lisses, il est difficile de s’identifier. On a toujours l’impression d’être hors des lignes, hors des standards de beauté ce qui n’est pas l’idéal pour s’accepter.

Marine (15 sur 17)

Le retour timide des cheveux naturels cet été : des boucles fatiguées

C’est ainsi que j’ai décidé de ne plus me lisser les cheveux. J’avais décidé d’assumer, pour de vrai. Je commençais progressivement à prendre confiance. Voilà finalement bientôt 7 mois que je n’ai pas raidi ma tignasse et j’ai même offert mes vaillantes plaques à l’une de mes sœurs. Inimaginable pour moi il y a quelques années !

Maintenant je peux le dire, je les aime vraiment. Je les arbore en tant qu’un héritage dont je suis fière. Ils sont différents de ce qu’on voit ? et bah tant mieux ! Pour l’instant, ils sont encore abîmés et j’apprends petit à petit comment prendre soin d’eux, de manière à respecter leur nature. Je cherche et teste des coiffures adaptées aux cheveux bouclés et je m’amuse !

Finalement, avec du recul, je me rends compte que ce désir de m’accepter était là depuis toujours, enfouis sous des couches et des couches d’angoisses et d’insécurités :

→ Je me demandais parfois ce que je ferai, si un jour, j’avais la possibilité de changer définitivement ma nature de cheveux. Et bien, à chaque fois, je me disais que je ne pourrais pas les modifier pour toujours car j’aurais l’impression de me tourner le dos, de renier une part de moi.

Avec un peu d’amour et de volonté, j’ai réussi non seulement à ne pas la renier cette part de moi mais à l’embrasser et la chérir.

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Si j’ai écris cet article, c’est pour parler d’un sujet qui me tient à cœur et pourquoi pas aider modestement des gens qui passeraient par là dans leur volonté de s’assumer au sens général, de la même manière que des témoignages similaires m’ont fait avancer. Au final, les standards c’est pas mal de la merde, alors rebellez vous, même si ce n’est que capillaire. On a évidemment le droit de modifier notre apparence, de s’amuser avec. Ce qui est triste c’est quand on le fait parce que sans, on se sent différent, et qu’on veut se fondre dans la normalité. La norme n’est pas un but à atteindre, la variété oui !

Heureusement, on constate que les profils se diversifient dans les médias et dans la culture. On a maintenant des princesses différentes avec notamment la fameuse Merida de Rebelle qui arbore une chevelure rousse bouclée magnifique, une Vaiana aux proportions plus réalistes et on a même eu une Miss France avec une coupe afro. J’espère que les efforts de représentation de profils de beauté variés vont continuer afin de ne pas favoriser de futurs complexes ! Pour en savoir plus sur ce sujet passionnant qu’est la signification culturelle des cheveux bouclés (notamment via le prisme des princesses des dessins animés) je vous conseille cet article passionnant et très complet de Cécile Dehesdin et Charlotte Pudlowski pour Slate.fr : Rebelle: pourquoi Merida est-elle la première héroïne aux cheveux bouclés de Disney?

Par la même, comme les auteures le citent dans l’article, je vous encourage également à lire l’excellent Beauté fatale de Mona Chollet pour mieux saisir tout le poids des diktats autour de la beauté sur le genre féminin. Ce livre est tout bonnement passionnant et je dirai même qu’il est indispensable !

Pour le mot de la fin, je dirai ceci :

Merci maman pour ce cadeau, le temps où enfant je te demandais pourquoi tu ne t’étais pas fait un brushing quand tu m’as conçue est révolu ! ♥

8 commentaires

  1. cesoirpasenviede

    Mais vos boucles sont belles ! Moi cheveux crépus en cours d’acceptation mais surtout de soins, savoir quoi faire est aussi important pour les accepter. Je ne défrise plus depuis 4 ans au moins, shampooing et soins home made et ils sont super souples et maniables. Par contre, je n’arrive pas à avoir de belles boucles, toujours tendance frisottis ^^
    Bonne continuation ! 🙂

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    1. lapetitecreature

      Tout à fait d’accord : le soin c’est primordial ! C’est un véritable apprentissage 🙂 je pense d’ailleurs tester le henné neutre prochainement car ils souffrent encore des dégâts de la chaleur et des élastiques. Bravo pour votre démarche d’acceptation 🙂 Bonne continuation à vous !

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  2. dorine michelon

    j ai lu avec attention ton cheminement et le vécu et j en aime la conclusion.et je trouve aujourd’hui pour ma pare que cela fait partie intégrante de ta beauté naturelle et que ton métissage et tes cheveu sont effectivement ton héritage et tu fais bien de le porté fièrement et ceux qui t on critiqué dans le passer c est eux qui sont passé à coté de la vérité car cette tignasse cachée un cerveau et une sensibilité dessous alors que pour eux leur bêtise se voyait direct. il est vrai et je connais un réunionnais qui a eu se problème qu il n est pas facile de se voir différant et de subir les critiques alors que l on a rien demandé et que l on est né ainsi.mais passer son temps a caché se qui est n est pas la solution car tu te change et pas forcement en mieux et ne dit on pas que le naturel revient au galot. donc au bout du compte ton acceptation est pour moi la meilleur des conclusions et en plus pour ma part c est se qui te rend encore plus belle.et qui te démarque des autres justement.bisou ma belle.et merci de nous avoir fait partagé cette intime partie de toi et je pense que cela va en intéresser plus d un et peut être même en aider dans leur cheminement et cela pour bien d autre point que les cheveu car ton article peut aussi faire mouche pour la couleur de peau pour une difformité physique etc….donc merci pour cet article.

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