Je ne sais pas vous mais moi j’ai toujours préféré les chats aux chiens. Je ne déteste pas les canidés, j’ai même une drôle de passion pour les corgis. Néanmoins, j’ai toujours préféré les chats. Maintenant je suis également une passionnée de lapins grâce à mon merveilleux colocataire aux grandes oreilles qu’est Flocon mais le chat reste un animal que j’aime mais qui surtout m’intéresse.
Effectivement ces derniers, comme les autres animaux qui accompagnent l’humain dans son quotidien, disent quelque chose de nous et nous en apprennent beaucoup sur le culturel. Je tiens à dire en amont de cet article qu’ici je vais parler des « femmes » et de la « féminité » suivant ce que la société attribue majoritairement à ces deux termes.
Très tôt, j’ai remarqué que les animaux de compagnies que sont le chien et le chat semblaient être attachés à des genres. Je m’explique. Dans mon entourage (famille, ami.e.s) j’ai vite noté que les hommes préféraient les chiens tandis que les femmes semblaient plus attirées par les félins. Je trouvais ça bizarre, d’autant plus que ça semblait se vérifier à chaque fois. D’ailleurs, d’après cet article très intéressant de Nadîa Damm sur Slate, une étude de l’American Pet Products Association montre que sur 463 propriétaires de chats, une écrasante majorité étaient des femmes (80%). Evidemment ce n’est pas gravé dans le marbre et des hommes adorent les félins comme l’inverse, entendons nous bien !
Mon cerveau de future féministe a commencé à émettre une théorie qui pourrait expliquer ces tendances assez marquées. En effet, en analysant les reproches et les qualités qu’on attribuait à ces deux espèces, je me suis rendue compte de la chose suivante :
Les hommes préféreraient les chiens car ces derniers du fait de leur fidélité, de leur obéissance et de leur loyauté les confortent dans un statut de dominant. Les femmes quant à elle, préféreraient les chats car ces derniers représentent des êtres indépendants qui font échos à leur propre volonté d’émancipation. De plus, du fait de cette indépendance, les femmes aiment le chat pour ce qu’il est et non pour ce qu’il pourrait leur apporter.
De nombreux facteurs expliquent le lien fort qu’entretiennent les femmes et nos félins préférés. Ce sont des facteurs culturels qui ont une origine historique..
Les chats, des compagnons du féminin pour le meilleur et le pire
Tout d’abord le côté factuel : la vie domestique elle-même a entériné cette différence. Historiquement, le chien suivait l’homme de la maison pour des travaux à l’extérieur tandis que le chat tout comme la maîtresse de maison restaient plutôt attachés à un rôle d’intérieur comme l’explique Laurence Bobis, auteure de Une histoire du chat :
« Un proverbe latin suggère une étrange analogie entre chat et femme : « Le chat s’asseoit où était assise la femme. » La relation particulière qu’il révèle se noue dans l’espace domestique dont les habitants privilégiés sont femmes, enfants, vieillards et chats, alors que les chiens accompagnent les hommes à la chasse et restent à la porte. »
On associe également le chat à des activités dites « féminines » : « le chat est significativement rapproché d’objets féminins tels que baratte, quenouille, écheveau de fil ou fuseau. La baratte renvoie manifestement au goût du chat pour le beurre et les laitages, l’écheveau ou le fuseau à sa propension à jouer avec un brin de laine ou un fil. »

Malgré tout, la sève du lien entre femmes et chats résident surtout dans les épreuves conjointes qu’ils ont traversés à travers l’Histoire. Les chats sont passés d’un statut d’adorés comme dans l’Egypte antique à un statut de persécutés en particulier au Moyen-Age. Ils étaient vénérés dans l’Egypte ancienne et il existe même une divinité féline : Bastet, la fameuse femme à tête de chat. Bastet, est d’ailleurs une déesse liée au foyer et à la maternité, ce qui pose déjà les bases d’un lien entre félins et féminité.
Malheureusement, au Moyen-Age notamment, les chats vont être beaucoup moins bien perçus car on (l’Eglise hein) va les associer au malin et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, on observe une inversion des valeurs accordées au chat. En effet, son appétence pour les animaux considérés comme nuisibles (rat, souris), permit au chat d’être appréciés des humains dès le début de l’agriculture. Or, le chat se nourrissant de nuisibles, l’Eglise, par la suite, commença à considérer que le chat était » souillé par la nature même de sa proie » et donc qu’il était mauvais. Ensuite, rentre en compte la diabolisation des animaux à la robe sombre, les chats noirs notamment, vont souffrir d’un terrible jugement de la part de l’Eglise.
S’ajoute à cela, que le chat est également associé au mal car il est considéré dans l’imaginaire médiéval comme le familier de la sorcière. On connaît la tragique paranoïa autour de la sorcellerie qui frappera nombre de femmes, et bien les compagnons de ces dernières souffriront de la même peur irraisonnée. Au hasard des craintes et des affrontements religieux, le chat sera une des cibles favorites pour purger les passions.
Enfin, le célèbre et terrible ouvrage Malleus Maleficarum ou Le Marteau des sorcières, publié au XVe siècle par deux dominicains participa à la diabolisation du chat en se posant comme un guide pratiques sur les sorcières. Ce livre conforta la mauvaise image du chat et le dressa même contre le chien : « Au XVe siècle, les auteurs du Marteau des sorcières, les dominicains Institor et Sprenger, opposent encore le chat perfide au chien symbole des prédicateurs, et rappellent que l’ordre des prêcheurs fut annoncé à son fondateur sous le signe du chien aboyant contre les hérétiques » (Une histoire du chat, Laurence Bobis).
→ Pour en apprendre plus (sur un ton léger) sur le traitement réservé aux chats dans l’Histoire, je vous conseille l’excellente vidéo de LinksTheSun à propos des chats :
Encore de nos jours dans la culture , les chats gardent souvent le mauvais rôle. Là où les chiens persistent à être gentils et serviables, les chats sont fourbes et malfaisants. Pensez au fameux film Comme chiens et chats, ou encore le très bon film The Voices où le chien et le chat du héros font office de bonne et mauvaise conscience et je vous laisse deviner qui est la mauvaise conscience. Dans la continuité de leur rôle qu’on leur prêtait auprès des sorcières, les chats restent le plus souvent les compagnons privilégiés des « méchants » comme dans Inspecteur Gadget ou encore James Bond par exemple.
De plus, même quand ils sont inoffensifs, ces félidés ont souvent un caractère bien particulier qui flirte régulièrement avec une misanthropie et une irrévérence folle ainsi qu’un farouche complexe de supériorité (Lucifer dans Cendrillon). De ce fait, les chats restent dans ce statut de compagnon « ingrat » mais c’est aussi ce qui parfois fait leur charme et les rend attachants et drôles, et en ça je pense notamment au génial Salem de Sabrina l’apprentie sorcière. On notera d’ailleurs avec ce personnage l’auto-référence à la sorcellerie tout comme le Lucifer de Cendrillon évoque clairement le maaaaaal.

Heureusement dans la culture, leur rôle est également positif. Ils soutiennent les humains avec lesquels ils vivent et jouent à merveille ce fameux rôle du familier. On voit ainsi régulièrement l’apparition de chats dans des œuvres qui ont trait aux sorcières mais toujours dans un rôle de compagnon bienfaiteur. Un compagnon parfois discret (Practical Magic), important dans la série Charmed, voire carrément indispensable comme dans l’oeuvre de Miyazaki, Kiki la petite sorcière.
Or pas besoin d’être une sorcière pour apprécier la compagnie du chat. Ce dernier, comme tant d’autres animaux, apportent beaucoup d’amour aux humains qui partagent leur vie. Réussir à établir un vrai lien avec son compagnon à quatre pattes est une chose privilégiée, d’autant plus quand ce compagnon est réputé pour son caractère insoumis.
« Si vous êtes digne de son affection, un chat deviendra votre ami mais jamais votre esclave. » Théophile Gautier
La femme chat

Au-delà du compagnon, le chat va parfois jusqu’à se confondre avec la femme à l’instar de la célèbre Catwoman. Les femmes associées à ce personnage incarnent surtout des idéals d’indépendance et de force. Néanmoins ce ne sont pas les seules choses que dégagent ces femmes-chats. La Catwoman est aussi une figure de désir. Un désir qu’elle suscite (on remercie les combinaisons moulantes) mais aussi un désir qu’elle ressent et qu’elle assume : une femme maîtresse de sa sexualité. Cette relation profonde entre la femme et le chat se retrouve ensuite dans la langue et le vocabulaire. Des mots ou des expressions relient ces deux entités et place le chat comme étendard d’une certaine féminité : on dit des chats qu’ils sont élégants, raffinés et gracieux par exemple, des adjectifs que la société attribue plus volontiers aux femmes.

Malgré tout, le sujet qui relie profondément femmes et chat est véritablement celui de la sexualité. Tout d’abord au niveau sémantique, on peut noter que le sexe féminin dans le langage familier est désignée par la chatte et une femme « mûre » ayant un goût prononcée pour les partenaires plus jeunes est une cougar. De plus, d’après ce même article de Slate, on apprend que dans la langue de Shakespeare aussi, on observe un champ lexical similaire : « En anglais, le terme «kitten» désigne une fille sexy et aguicheuse: être «catty», c’est être vicieux et méchant et est plus souvent employé pour les femmes. Qualifier un homme «pussy» revient à l’accuser d’être lâche. »
Quand Dolorès Ombrage illustre à merveille le terme « catty »
Au-delà de la sémantique, le chat est profondément lié à la sexualité féminine dans la vision qu’on a d’elle, une vision emplie de méfiance et de crainte héritée surtout du Moyen Âge :
« Dans l’imaginaire médiéval, le chat est emblème de la femme parce qu’elle est jugée comme lui créature d’instinct et de chair, et donc portée à la lubricité. Accompagné de la souris, il symbolise organes et rapports sexuels. Seul, il est comparé à la coquette, à la prostituée, et chargé tour à tour de tous les vices féminins ». Laurence Bobis
Sur le même modèle, quand il ne sert pas à juger la sexualité des femmes, le chat critique son absence avec notamment le personnage caricatural de la « folle aux chats » ou « crazy cat ladies » : la célibataire foldingue qui finira vieille fille et entourée de chats.
→ En gros, soit en couple sinon c’est bizarre mais n’ait pas une sexualité hors des conventions sociales sinon c’est bizarre aussi. Femmes et chats continuent alors de souffrir d’une mauvaise réputation conjointe qui se répond mutuellement, notamment dans ce qu’il y a de plus intime, là où un homme ne sera pas jugé de la même manière.
De plus, puisque le symbolisme du chat aime cumuler les sens , Laurence Bobis nous indique également que le chat et notamment la chatte, en plus d’être associée à l’intimité et au domestique, est aussi un symbole de fécondité et de maternité car « la chatte faisait peut-être aussi allusion à la délivrance heureuse, étant réputée concevoir dans la douleur mais mettre bas sans souffrance ».
Ainsi le chat couvre tous les aspects de la femme : ceux qui sont les plus craints, ceux qu’on imagine et ceux qui sont les plus salués par la société.
Pour conclure
Alors pourquoi les femmes seraient plus attirés par les chats ?
Et bien peut être parce qu’au vu de leur passé, la femme et le chat sont un miroir l’un pour l’autre. L’histoire du chat et du féminin s’entremêle, notamment à cause de la sorcellerie et de la misogynie qui a marqué au fer rouge la perception qu’on a de ces deux êtres. Dans une quête éperdue afin de trouver des responsables aux tragédies et aux maux de l’humanité, femmes et chats ont été le couple perdant. Ces épreuves similaires les ont rendu plus proches et ont rendu plus concret un lien issu des préjugés et de l’Histoire.
D’autre part, au contraire du chien, le chat est plus difficile à contenir. Agile et souple, il se faufile partout, impose sa volonté et se soumet difficilement. Pour toutes ces caractéristiques, le chat symbolise la liberté et l’indépendance, alors il n’est pas étonnant que les femmes, longtemps reléguées à une place d’inférieure, voient en lui un compagnon inspirant et complice à la façon d’un avatar.
Je laisse le mot de la fin à Laurence Bobis :
« L’histoire du chat est, pour sa part, marquée à la même époque par un paradoxe : la gloire littéraire et artistique n’a pas seulement réhabilité le chat satanique et mal aimé, elle a transformé en vertus les vices attribués de longue date au chat. […] le chat est désormais associé à l’anticonformisme sans avoir rien perdu ni de sa banalité ni de sa modestie. Il devient aux yeux de ses admirateurs incarnation de l’affirmation de soi«
Sources / Pour aller plus loin :
→ Slate – Nadîa Daam – A quel moment les femmes célibataires sont devenues des femmes à chat ?
→ https://fr.wikipedia.org/wiki/Catwoman
→ https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_chat
→ https://mythologica.fr/egypte/bastet.htm
→ Une histoire du chat, de l’Antiquité à nos jours; Laurence Bobis, édition Points
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