Lapinception #2 : comment avoir un lapin m’a aidé sur le chemin du végétarisme

Je n’ai jamais été fan de viande rouge. La consistance, l’odeur, le goût : rien ne m’attirait. Je mangeais généralement des steaks très cuits (du genre semelle, ô blasphème que voici). Par contre j’aimais beaucoup la viande blanche et le poisson. J’ai été élevée dans une famille qui consommait régulièrement de la viande et malgré mon appétence réduite pour la viande rouge, à l’époque, je me serais damnée pour la blanquette de veau de ma mère ou pour du poulet au soja. Mon père est assez « viandard » comme on dit. Il a toujours mangé de la « bonne viande », mon grand père paternel ayant été boucher et contrôleur « qualité » dans les abattoirs. Mon grand-père était également chasseur. Je réprouve désormais totalement cette activité mais j’ai conscience que pour les anciennes générations (et encore maintenant), manger de la viande est le signe de manger à sa faim et d’avoir des repas consistants. Mon grand père était un homme merveilleux qui faisait beaucoup de choses lui-même, si maintenant j’ai du mal avec son affinité pour la viande et la chasse, je me souviens de lui comme l’homme qui préparait avec amour la pâte de coings dont je raffolais.

Les repas sans débats sur la viande (promis au bout d’un moment ça va mieux)

J’ai commencé à penser au végétarisme pour plusieurs raisons. L’une de mes sœurs,  depuis quelques années maintenant, s’est engagée et beaucoup renseignée à propos de la cause écologique. Ses recherches lui ont permis de prendre conscience des effets néfastes de l’élevage pour la planète mais aussi de la détresse des animaux d’élevage ainsi que celle des animaux enfermés à des fins mercantiles, comme l’orque à titre d’exemple dans les parcs aquatiques.

Son article sur Marineland : Happy Virginie – Pourquoi je suis allée une fois au Marineland et pourquoi je n’y retournerai plus…

Son article sur le végétarisme : Happy Virginie – Mon cheminent vers le végétarisme

Vous trouverez dans les sources à la fin de l’article une liste de sites, blogs, chaînes youtube, documentaires et livres autour de ces sujets. N’hésitez pas à y aller jeter un coup d’œil si vous voulez creuser la question.

Suite à son engagement, je me suis moi-même renseignée de plus en plus mais je continuais à manger de la viande, peu mais encore. Par contre je faisais plus attention à mes achats cosmétiques et ne m’orientait plus que vers des produits cruelty-free.

J’ai eu Flocon il y a presque 3 ans et à cette époque j’en mangeais toujours, mon cheminement commençait à peine donc je n’ai pas plus réfléchi à la question. Suite à une rupture, j’ai vécu de nouveau seule et j’ai fait une première tentative de végétarisme qui s’est soldée par un échec. En effet, même si moi je n’achetais pas sciemment de chaire animale pour mon frigo personnel, je me rendais compte qu’elle était présente PARTOUT, y compris dans des aliments dont on oublie parfois qu’ils sont à base de chaire : genre le pâté ou le surimi (anecdote véridique). De fait, par praticité (et manque d’information) je n’avais pas arrêté, mais j’avais pris conscience de l’omniprésence de la viande et m’étais familiarisée, mine de rien, avec les pièges à éviter : le chemin s’ouvrait sous mes pas.

J’arrive le végétarisme !

Le véritable déclic a eu lieu il y a un an. J’ai regardé une vidéo assez connue sur internet qui s’appelle : Le discours qui va changer votre vie de Gary Yourofsky. Ce fameux Gary s’adresse à une classe et leur explique pendant une heure pourquoi il est immoral de manger de la viande et en quoi c’est mauvais pour la planète (et pleins d’autres choses). En plus du discours assez convaincant, ce qui m’a vraiment touché et fait arrêter totalement la viande ce sont les nombreuses images d’abattoir et de mises à mort (que j’avais souvent évité) : j’ai pleuré comme une madeleine. J’étais dégoûtée. Je venais de m’administrer un vaccin contre la dissonance cognitive. Je ne pouvais plus revenir en arrière, pas après ce que je venais de voir et donc de (vraiment) comprendre : pour manger de la viande, il faut faire souffrir (beaucoup) et tuer (toujours). Pourtant ne dit-on pas qu’il ne faut pas tuer son prochain ? Puisse-t-il être différent de nous ?


Focus : La dissonance cognitive quesako ?

Pour résumer la dissonance cognitive est le fait pour une personne d’être en présence de deux idées qui sont incompatibles : cette incompatibilité crée de l’incohérence et donc de la dissonance cognitive. Or le cerveau humain adore la cohérence, donc quand la dissonance intervient, il tente de réduire l’incohérence et pour ce faire il y a différentes stratégies : enlever l’un des deux facteurs de la dissonance ou atténuer l’un des facteurs pour valider l’autre. Dans le cas de la consommation de viande, la dissonance est la suivante : je n’aime pas l’idée de faire souffrir et/ou de tuer les animaux mais j’aime manger de la viande. Afin de résoudre ce conflit intérieur on peut donc soit :

  • arrêter d’en manger
  • trouver des justifications qui valident le fait d’en manger quand même.

C’est ce qu’on appelle « le paradoxe de la viande ». Voici deux excellents articles pour approfondir la question :

Antigone XXI – Le paradoxe de la viande

Cahiers antispécistes – Le paradoxe de la viande


Par la suite, en continuant de me documenter sur le sujet, j’ai appris que le discours de Yourofsky, pertinent dans son ensemble, méritait des nuances sur certains points car il utilisait quelques biais assez fréquents chez les défenseurs du végéta*isme (je les ai moi-même utilisé). De plus, il semblerait que l’éthique de Yourofsky ne s’étende pas à tous le monde et ça c’est vraiment moche. Ainsi, bien que sa vidéo m’ait aidé dans ma démarche, je vous conseille de chercher auprès d’autres sources.

Plus d’infos ici : T-Punch insurrectionnel – À propos de Gary Yourofsky : pourquoi ce type est un problème.

Cet article de la géniale blogueuse Carotte masquée (dont je dévore tous les articles) vous liste ces arguments tendancieux et délit le vrai du faux, dans le but d’avoir des débats plus constructifs et sans biais de confirmation 🙂 : Véganisme, biais de confirmation et arguments foireux . La carotte masquée nuance par exemple l’argument qui dit que pour produire 1kg de bœuf il faut 15000 litres d’eau. Cet argument n’est pas faux mais il faut préciser de quelle eau on parle : eau douce, eau de pluie ou eau polluée. Bref allez lire son article, elle vous l’expliquera bien mieux que bibi !

Suite aux images d’abattoir, car sont surtout les images qui m’ont choquées, j’ai arrêté la viande et suis devenue végétarienne : plus de viande rouge, plus de viande blanche, plus de poissons et plus de crustacés. C’était il y a un an.


L214 – Youtube – Viande : élevage, transport et abattage

« Si les abattoirs avaient des murs en verre, tout le monde serait végétarien »

Paul McCartney


Et Flocon alors ?

Mais que vient faire Flocon dans cette histoire ? C’est très simple. Flocon incarne notre relation biaisée aux animaux. Il est l’illustration de comment l’humain distribue les bons points selon ce qui l’arrange. Dès que j’ai eu Flocon dans ma vie, même si je n’étais pas végétarienne, il m’était devenu inconcevable de manger du lapin. Je ne pouvais pas car j’avais une affection profonde pour un membre de cette espèce : j’estimais que manger du lapin était donc quelque chose de mal. Or, les différences que l’on dresse entre les animaux dits de rente et les animaux de compagnie n’ont pas de justification autres que celles que nous avons dictées.

Une vache, un porc et un lapin ont le même droit à la considération qu’un chien et un chat. Ces barrières, ces distinctions, sont culturelles. Pour preuve, les animaux consommés ne sont pas les mêmes suivant les peuples. Chose qui nous choque mutuellement entre cultures mais, par magie, ne remet jamais en cause véritablement le bien-fondé éthique de notre propre consommation carnée. C’est typiquement le fait de regarder la paille dans l’œil de son voisin et ignorer la bonne grosse poutre dans le nôtre.

La relation que j’ai lié avec Flocon m’a ouvert un nouveau champ de réflexion et m’a mis sous les yeux mes incohérences passées. J’ai compris alors que l’humain manque singulièrement de logique morale et se voile la face sur beaucoup de sujets, du moment que ça ne perturbe pas son confort et surtout quand ça permet à d’autres d’amasser une montagne de pognon.

lapin petit
Flocon quand il était petit

Mon expérience avec Flocon, je l’ai retrouvé à travers les mots de Carol J. Adams à qui on doit l’ouvrage La politique sexuelle de la viande. Elle explique au début du livre le déclic qui a initié son cheminement vers le végétarisme. À savoir la perte d’un animal qu’elle aimait : son cheval qui avait été abattu.

« Ce soir-là, toujours bouleversée par la disparition de mon poney, je mordis dans un hamburger et m’arrêtai au milieu d’une bouchée. Je pensais à un animal mort tout en consommant le cadavre d’un autre. Quelle différence y avait-il entre le corps de cette vache et celui du poney que j’allais enterrer le lendemain ? Je ne pouvais trouver aucune justification éthique à ce favoritisme qui excluait cette vache simplement parce que je ne l’avais pas connue. Je portais maintenant sur la viande un regard différent. » Carol J. Adams

Je le disais déjà dans mon article sur l’importance de développer son sens critique mais je réitère la chose maintenant: quand on commence à soulever la couverture qui cache toutes les discriminations et qu’on met à jour les intimes relations qui les connectent entre elles, on devient sensible et apte à déceler le moindre mécanisme oppressif. C’est primordial d’appliquer cette critique jusque dans le contenu de notre assiette bien que je sois consciente qu’en ce qui concerne le végétarisme et le végétalisme, la pilule est très dure à avaler et la majorité préfère avaler la pilule bleue : c’est plus confortable et on a pas à se remettre en question.

Toutefois tout chemin engagé, toute étape franchie est déjà très positive car c’est l’indication d’une prise de recul, minime soit-elle. Ma famille dans son ensemble mange bien moins de viande par exemple. Mon compagnon, quant à lui, me soutient et a considérablement réduit sa consommation carnée : nous sommes arrivés à un compromis. Ainsi, à la maison nous mangeons végétariens voire végétalien et si mon homme a envie de viande, il la cuisine lui-même et la rajoute à son plat tandis que j’ai une alternative. C’était ma condition car je ne voulais pas la toucher et encore moins la cuisiner. Beaucoup l’ont déjà dit mais l’alimentation est une histoire de goût, de traditions et d’habitudes. Bousculer tout cela peut ne pas être évident les premiers temps, pour vous et également pour votre entourage qui à tendance à s’inquiéter plus que de raison.

Dans mon cas, les difficultés se sont quasiment toujours manifestées dans des conditions liées à l’extérieur : choix d’un resto, où commander pour manger, être invité(e)s à manger, confrontation avec notre entourage, inquiétude de notre entourage… Néanmoins, soutenue à la maison (et parfois ailleurs hein), ma transition s’est globalement fait sans heurts. Je compte parler de mon expérience du végétarisme vis-à-vis de mon entourage dans un prochain article, car c’est un sujet très important, sur lequel j’évolue constamment (et où il y a eu des erreurs régulières, des deux côtés).

D’ailleurs, en parlant d’évolution, j’ai franchi un nouveau palier : la suppression totale des laitages animaux (lait, yaourts, fromage, beurre) pour des options entièrement végétales. Je déplore encore certains loupés à l’extérieur, je le confesse, car bordel c’est vraiment partout, encore plus que la viande, notamment dans les gâteaux et les viennoiseries déjà préparées (du coup on cuisine d’avantage pour y remédier ^^). L’arrêt du fromage en particulier peut s’avérer être un cap difficile car les végétariens ont parfois tendance au début de la transition à sur-compenser par ce dernier, ce qui a été mon cas.

On ne va pas se mentir c’est très bon le fromage mais la production laitière est une horreur (grossesses qui s’enchaînent pour les vaches, séparation très rapide du veau et de sa mère, espérance de vie écourtée pour la vache…) sans parler du fait que nous n’avons aucun besoin physiologique de boire du lait adulte, encore moins quand il n’est pas de notre espèce. L’arrêt du lait en bouteille a été d’ailleurs ma toute première décision « éthique », bien avant mon végétarisme. Alors même que j’avais l’habitude plus jeune de boire un verre de lait avec un sucre en rentrant de l’école. Ma démarche, à terme, vise le végétalisme car c’est tout simplement COHÉRENT avec mes principes moraux et mon souhait d’une société meilleure et durable, pour tous.

 » Tant qu’il y aura des abattoirs, il y aura des champs de bataille »

Tolstoï

Je continue mon cheminement de pensée, lie, regarde des documentaires, des témoignages : je m’informe quoi. Car c’est en s’informant que l’on comprend, surtout quand on a été éduqué dans une toute autre manière de penser. Si désormais une chose me manque, ce n’est pas la viande ou le fromage, c’est peut être l’insouciance. L’insouciance de ne pas se poser de questions avant de manger dehors, l’insouciance de ne pas ressentir des sentiments contradictoires face à des gens qui mangent de la chaire, l’insouciance du confort et de la facilité. Avant je ne me posais pas autant de questions, j’avais moins de nœuds au cerveau qu’aujourd’hui. Néanmoins, je ne pourrais désormais revenir à un autre régime alimentaire.

Tout simplement parce que la perte de mon insouciance n’est que peu de choses finalement. Manger de la viande me parait désormais inconcevable étant donné les informations dont je dispose mais aussi par rapport à l’ampleur de la souffrance qu’on prend bien soin de nous cacher. La viande est maintenant pour moi synonyme de cruauté, d’autant plus quand il s’agit de viande industrielle, soit l’immense majorité de la production carnée. Une cruauté pour la planète, une cruauté pour notre santé, une cruauté pour les animaux et un coup dur pour notre humanité et notre soi-disant intelligence car comme dirait Paul Watson, le fondateur de Sea Sheperd :

“L’intelligence est la capacité d’une espèce à vivre en harmonie avec son environnement.”

De fait, l’humain est sacrément con.

 

Un bon résumé de la situation fait par l’excellente chaîne youtube DATAGUEULE :

Quand la boucherie, le monde pleure

 

NB : on y cite l’argument de l’eau produite comme vu plus haut. Je rappelle qu’il n’est pas faux mais qu’il faut le nuancer 😉

 

Sources / Pour aller plus loin :

Il y en a beaucoup, ceci est une sélection non exhaustive :

Sites et blogs :

Site de l’association L214

Antigone XXI

La Carotte masquée

How I met your Tofu

Youtube :

L214 : sensibilisation, conférence et idées de recettes

Antastesia

Coline et sa playlist Bienvenue en Véganie

L’effet Chimpanzé – Convergence des luttes

Documentaires :

Cowspiracy, 2014, il est présent sur Netflix

L214 a fait un article dans lequel sont étudiés différentes faits cités dans le documentaire Cowspiracy et c’est très intéressant : https://www.l214.com/fact-checking-cowspiracy

Earthlings (Terriens en français), 2005

Et l’homme créa la vache, 2016 reportage ARTE

Blackfish, 2013 : premier documentaire sur la souffrance animale que j’ai regardé. Une vraie claque instructive d’abord car on apprend beaucoup sur les dessous de la captivité ainsi que sur les espèces concernées, mais aussi une claque douloureuse car il met à mal le vernis plaisant de l’exploitation animale pour le divertissement. On prend de plein fouet le désarroi de ces animaux ainsi que les répercussions sur les personnes qui s’en occupent puisque le documentaire s’appuie sur la mort très violente d’une soigneuse à Seaworld en Floride.

Livres :

Faut-il manger les animaux ?, Jonathan Safran Foer, 2009 (existe en poche)

Plaidoyer pour les animaux, Matthieu Ricard, 2014 (existe en poche)

La politique sexuelle de la viande, Carol J. Adams

→ Ce livre fait débat car il lie la discrimination sexiste et la discrimination spéciste. Il est très intéressant, parfois maladroit mais il développe des notions vraiment pertinentes comme le lien coriace entre la virilité et la consommation de viande par exemple. Pour ma part ce livre est indispensable mais je recommande plutôt d’attaquer avec les deux premiers pour une première lecture.

 

3 commentaires

  1. Happy Virginie

    Très bel article ma soeurette ! Je suis 100 000 % d’accord avec ce que tu écris…ici tu le sais nous mangeons pesco-végétarien (le poisson étant mon option sur l’extérieur… au resto ou chez les amis )… très très peu de lait… mais encore du beurre et du fromage! Je suis tout à fait consciente du désastre éthique de la filière laitière mais c’est un cran supplémentaire que nous avons du mal à dépasser en famille… ben oui nous sommes 5 à la maison … c »est pas simple 😉

    Aimé par 1 personne

    1. lapetitecreature

      Merci pour ton commentaire soeurette ! Je suis bien d’accord que c’est plus compliqué à plusieurs avec les goûts de chacun qui rentrent en jeu. Il paraît qu’on peut faire sois-même de bon « faux fromage » à tartiner à base de cajou ou amande. On trouve des recettes sur Antigone XXI il me semble. Testez et vous me direz ;). Pour ce qui est du beurre, on utilise de la margarine ou des huiles végétales :). Kévin avait un peu de mal au début avec ça mais ça va bien mieux 🙂
      Des bisous !

      J’aime

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